Près de Ciseaux cruels une sensible Aiguille
Voyait passer ses plus beaux jours ;
Une Épingle de sa famille,
Là-dessus lui tint ce discours :
« Se peut-il, cousine si chère,
Que toujours dans ce nécessaire
Vous demeuriez auprès de ce méchant ?
Pour souffrir seulement, hélas! êtes-vous née ? »
L’Aiguille lui dit doucement :
« Pourquoi se révolter contre sa destinée ?
Vivre avec un barbare est un malheur bien grand !
Je ne puis m’expliquer ni pourquoi ni comment
Par le sort j’y fus condamnée ;
Mais je vois bien, du moins, qu’en un même local
Le ciel mit le remède ainsi tout près du mal.
— Eh bien ! ce penser me console
De coucher sous ce toit, d’habiter ce logis.
J’accepte sans murmure un triste et noble rôle :
Ceux que mon compagnon blesse, je les guéris.
Les maux qu’il fait je les répare :
Je rassemble ce qu’il sépare.
Il divise ; je réunis. »
“L’Aiguille et les Ciseaux”