L’amour rencontrant le Respect,
Et rebroussant à son aspect,
Lui dit : que fais-tu là, beau sire ?
Que cherches-tu dans mon empire ,
Où tous les amants sont heureux !
Lorsqu’une fois une maîtresse tendre
Aux sermons les plus vifs a bien voulu se rendre,
Le Respect aussitôt doit s’enfuir tout honteux.
Oui, répond le Respect : il en est d’une sorte
Qu’on doit laisser , comme on dit, à la porte.
Dès qu’on en vient à ce désiré jour ,
Tout est permis au famélique amour.
Mais il en est d’une autre espèce,
Fruit savoureux de la délicatesse,
Qui fait à l’œil, comme à la main,
Réserver pour le lendemain
Quelque friandise nouvelle.
L’amant gagne toujours beaucoup
À ne pas s’enivrer de plaisir tout d’un coup,
Il fait par ce moyen bonne chère éternelle.
Je t’entends , dit l’Amour , l’exquise volupté
Ne veut pas que l’on ait, auprès de son amis,
Un respect de timidité,
Mais un respect d’économie.
- Jean-Baptiste Joseph Willart de Grécourt, 1684 – 1773 (L’Amour et le Respect)