Timoléon Jaubert
Poète, magistrat et fabuliste XIXº – L’Âne du père Larigot
Débitant chaque jour agnus et patenôtres ,
Larigot n’était pas plus riche au bout de l’an.
Que fit donc Larigot ? ce que firent tant d’autres :
Larigot se fit charlatan !
Son âne lui restait ; il saisit la pécore,
Et, muni d’un rude pinceau,
D’étoiles, de rubans badigeonna sa peau,
Décora son poitrail d’un collier tricolore,
Ajusta sur son dos un manteau chamarré,
Et pour cacher ses deux oreilles,
La coiffa d’un bonnet carré.
Le monstre était nouveau ; longtemps il fit merveilles ;
Sur des tréteaux, dans une cour,
Longtemps il parada, prôné par le tambour;
Les gros sous pleuvaient en offrandes,
Le chapeau s’emplissait ; le père Larigot,
S’il eût vécu cent ans plus tôt,
Aurait de ses profits acheté deux prébendes.
L’âne se rengorgeait s’entendant applaudir;
Il ne savait donc pas qu’ici tout doit finir.
Certain jour il se mit à braire.
Cette imprudence le perdit.
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Combien d’hommes devraient se taire
Qui ne brillent que par l’habit !.
Timoléon Jaubert