— Combien de votre âne, compère?
Demandait un vieux maquignon
Au maître d’un ânon.
— Cinquante écus pour ne pas vous surfaire.
— Cinquante écus ! c’est le prix d’un cheval.
Si vous voulez vous en défaire,
Il faudra bien… — Mais c’est un animal…
Si vous le connaissiez… Son pareil est à faire.
Je vous assure qu’on ne peut,
Dût-on choisir entre dix mille,
En trouver un plus doux, plus sobre, plus docile !
Un tout petit enfant le mène comme il veut.
— Eh bien ! vous aurez cette somme,
Dit le maquignon à son homme ;
Mais je prétends
Eprouver l’âne quelque temps.
— Notre vendeur, de cette clause
Ne se souciait pas bien fort ;
L’acheteur exigeait la chose….
Pour faire court, ils sont d’accord.
Le maquignon dans son étable
Conduit aussitôt le baudet,
Parmi ses ânes il le met,
Et l’animal incomparable,
Cet animal si bon, si doux,
Au râtelier va prendre place
Près d’un âne méchant, paresseux et vorace,
Le plus têtu, le plus gourmand de tous.
— Oh ! oh ! c’est assez le connaître,
Dit l’acheteur voyant cela :
Je ne veux point cet âne-là ;
Qu’on le ramène au plus vite à son maître.
J’approuve fort ce maquignon,
Il vaut, à mon avis, tout un aréopage :
On vous croira méchant ou sage,
Selon que vous aurez tel ou tel compagnon.
“L’Âne et le Maquignon”