Un âne alla trouver un renard érudit,
Et lui dit :
— « Maître, je veux enfin m’instruire. »
— « Très-bien, mais tout d’abord il faut apprendre à lire. »
— « Oui, vous me donnerez par jour une leçon,
« Et je vous paierai bien. » Messire Aliboron,
Au bout de quelques jours, sut épeler chardon.
— « Je suis, répétait-il, un grand puits de science,
« Et Monsieur La Fontaine et Monsieur Florian,
« Sortiront du tombeau pour voir l’âne savant ! »
Par malheur, le renard pensait tout autrement :
Or, l’entêté roussin nourrissait l’espérance
De lire en un mois couramment ;
Mais à chaque leçon, presqu’à chaque moment,
Presqu’à chaque syllabe, il lisait bêtement
Ces mots qu’il croyait voir : — « Hi-an, hi-an, hi-an ! »
Le maître, à bout de patience,
Chassa le pauvre étudiant.
Ainsi que ce baudet, que de gens sur la terre
S’efforcent de sortir de leur vrai caractère ;
Mais ils n’y parviendront pas plus
Que cet âne ne le put faire :
Toujours leur naturel reprendra le dessus.
“L’Ane et le Renard”