Un âne, j’ai toujours aimé cet animal :
C’est qu’il a l’air pensif, le caractère égal
Comme le trot. Bref, certain âne,
A force d’entendre railler
Et son oreille et son organe,
En rougissait au point de n’oser plus bâiller,
Crainte qu’on l’accusât de braire, de brailler.
Le misérable privilège !
Disait-il, voir ses noms donnés à maître sot.
De ses oreilles voir affabler tout marmot
Qui n’a pas fait son devoir au Collège.
Qu’y faire, enfin ! qu’y faire ? Irai-je,
En quadrupède rossignol,
Dénaturer ma voix du dièse au bémol ?
Bêtement me mutilerai-je ?
A mon oreille ôtant ce qu’elle a de trop long.
Suis-je encor sûr de plaire à mon doux maître ?
Il me souvient trop bien de la leçon,
Quand je voulus caresser son menton.
Et puis, celui qui de nous est pour naître
N’en sera pas moins un ânon.
Il aura, plus que nous peut-être,
Poil roux et longue oreille et d’un stentor la voix.
Puisque nous n’avons pas le choix,
Et qu’il nous faut toujours, en somme,
N’être que les bêtes de somme,
Tant qu’à notre appétit nous aurons, au besoin,
Choux et chardons ; plus sages que les hommes,
Vivons, sans prendre tant de soin :
Sachons rester ce que nous sommes
“L’Âne philosophe”