Dans un riant vallon
De la fraîche Arcadie …
(Je n’ai point retenu le nom,
Car vieillesse aisément oublie),
Un jour la mère d’un ânon
Tint ce discours à sa voisine
La jument. Mère aussi d’un poulain charmant :
— Ma chère cavale, examine
Que de rapports entre nos fils!
Nés tous deux dans la même étable,
Tous deux aux mêmes prés nourris,
Tous deux de figure agréable,
Ayant les mêmes goûts, aimant les mêmes jeux,
Tous deux également folâtres et joyeux,
Ils sont à peu près du même âge ;
Qu’une étroite amitié les unisse tous deux,
Et bientôt ils auront encor même langage.
— Je ne saurais approuver ton dessein,
Répondit à l’ânesse
La mère du poulain :
Il ne me paraît point dicté par la sagesse :
Va ! je sais trop combien
Malheureusement la jeunesse
Se porte au mal plus volontiers qu’au bien.
J’ai donc lieu de douter, ma chère,
Qu’un jour ton fils hennisse, et j’ai peur que le mien
Ne s’habitue à braire.
“L’Ânesse et la Jument”