Un messager du ciel, sous sa blanche nuée,
Suivait des yeux l’âme du jeune enfant
À ses soins confié par un ordre puissant ;
L’ange gardien sourit, car cette âme est vouée,
Dans sa charité sainte, au bonheur innocent
De la fleur qui, sous l’herbe inconnue et modeste,
S’ignore en son parfum céleste.
Non loin de là, s’enveloppant
Du nuage où grossit la foudre et la tempête,
Un ange aussi, mais rebelle et méchant,
Lançait son œil de feu sur une frêle tête,
Chauve déjà, mais au mal toujours prête,
Et soumise au démon, qui la suit, l’inspirant.
L’enfant aimé de l’ange est le fils d’un tel père :
Ainsi du mal naît le bien sur la terre,
Et la flamme des cieux, qui tonne en ses éclats,
Ramène avec les eaux la fraîcheur salutaire.
Ainsi l’ange et l’enfer ont pouvoir ici-bas ;
L’un et l’autre aux humains prêtent leur surveillance,
Tandis que lentement, mais sûrement s’avance
La Mort, comme aux sillons et nombreux et pressés
Tranche en traînant la faux immense,
Sans jamais dire : C’est assez.
L’ange saint a frémi… l’autre sourit au crime.
Déjà l’arme se lève et choisit sa victime…
Le vieillard désigné par le doigt du démon !
— Oh ! grâce encor ! à crié l’ange ;
Pour le précipiter dans l’éternelle fange,
Mort implacable, attends ; peut-être le pardon
Lui viendra-t-il du ciel, fléchi par la prière,
Au soupir du remords, à son heure dernière ;
Mais ne la presse pas, cette heure qui le perd !
— Qu’est-ce à mes yeux éteints qu’un invisible atome ?
Il faut frapper, répond le terrible fantôme ;
Du nombre que je dois il n’est point à couvert.
Le Destin dit : — Je vole, et ma course pressée
Ne peut eu vains délais se voir embarrassée ;
Le Temps et moi marchons et frappons en courant :
À défaut du vieillard, il me faut son enfant.
— Prends donc, inexorable ! Et de la voix suprême,
Que, môme les soleils créés à son accent,
Ne peuvent écouter en leur limite extrême,
Du haut des cieux l’ordre sacré descend.
Le démon fuit en rugissant,
Et l’ange, s’inclinant sur la tête qu’il aime,
Recueille un frais soupir, pareil au bruit du vent,
Caressant d’une fleur la corolle pâlie.
— Au doux lever du jour tu vois finir ta vie,
Dit-il ; ah ! Viens au ciel sur mes ailes d’azur,
De mes frères aimés tu seras le plus pur ;
Qu’aurais-tu fait, âme chérie,
Sur cette terre de malheur ?
Viens des saints goûter la douceur
Et les félicités d’une paix infinie !
Les hommes, ici-bas, trompés,
De leurs vains désirs occupés,
Peuvent croire la mort une horrible souffrance ;
Le succès des méchants est énigme pour eux,
L’épreuve en est plus lente en leur longue existence ;
Mais dans leurs souhaits vertueux,.
Pour les cœurs simples et pieux,
La mort est une récompense,
L’échelle d’or qui les amène aux cieux. .
“L’Ange et la Mort”