Quelquefois, chers amis, l’allégorie amuse
Le lecteur complaisant; c’est une docte muse.
Ses fabuleux récits, ses contes merveilleux,
Sans doute vous plairont sans être trop verbeux :
Soulevez un instant sa gaze orientale,
Découvrez les trésors de sa saine morale
Sous les riches tissus de son habillement,
Qui cachent ses attraits d’un voile transparent.
Un Dervis à Damas, un fou d’astronomie,
Par un Ange divin fut un jour enlevé.
« Voulez-vous, lui dit-il, contenter votre envie
« Et récréer bientôt votre esprit captivé?
« Mettez-vous, sur mon dos, et sans changer de place,
« Aux volontés de Dieu tout obstacle aplani,
« Je vais vous transporter par de là l’infini :
« Vous verrez l’univers, sa marche et son espace. »
Volant avec son guide, en tous lieux transporté,
Il quitta sans regret la zone de la terre;
A tout astre inconnu notre homme présente
Demanda vainement la plus lointaine sphère.
En traversant les airs, il vit, il admira
Étoiles ou soleils, planètes vagabondes,
L’immensité béante, un abîme de mondes.
Porté de sphère en sphère, enfin il s’écria.
Sentant s’éteindre en lui cette lièvre homicide
Que lui donnait l’orgueil d’une science avide :
« Retournons, mon bel ange! oh î n’allons pas plus loin;
« Menez-moi sain et sauf dans mon simple recoin.
« Le souvenir du lieu de mon heureuse enfance
« Amortit ces désirs, témoins de ma souffrance;
« C’est là que, terminant mes observations,
« Je veux contempler Dieu dans ses créations! »
Dans le repos d’esprit la sagesse fait luire
Son flambeau consolant, qui sert à nous conduire.
“L’Ange et le Dervis”