Un Arabe et son Fils traversaient le désert ;
Solitude triste et sauvage ;
Lieu brûlé du soleil et de sable couvert,
Où n’était point d’eau, point d’ombrage.
Nos voyageurs, à jeun, poursuivaient leur chemin
A travers cette plaine aride.
L’outre au large ventre était vide.
Plus d’espérance de festin.
L’enfant marchait à peine, excédé de sa course.
Un dattier par hasard à leurs yeux vient s’offrir ;
Tout auprès coulait une source.
Je vous laisse à penser la joie et le plaisir :
Ils vont se reposer à l’ombre ;
Chacun se désaltère au cristal de cette eau,
De l’arbre du désert pendaient des fruits sans nombre ;
Mais comment atteindre au rameau ?
Va, mon fils, dit l’Arabe, et cueille-moi ces dattes
Dont nous ferons plus d’un repas.
L’enfant, de ses mains délicates,
Saisit aussitôt l’arbre ; avec ses petits bras
Cherche à gagner la branche. A deux doigts du feuillage
Le pied lui glisse ; il perd courage,
Et le voilà qui roule en-bas.
Ne désespérons pas, mon fils ; reprends haleine ;
Sans doute Mahomet nous gardait ce trésor ;
Mais il faut chercher, car on n’a rien sans peine.
Ton père à faim ; va, monte encor.
Ce mot à l’enfant rend sa force.
Il retourne au dattier ; et le cœur plein d’espoir,
Ses deux pieds posés sur l’écorce,
Il monte, atteint la cime et d’en haut fait pleuvoir
Des fruits délicieux qui vont nourrir son père.
Le repas achevé, l’outre aussitôt s’emplît.
Le reste du festin garnit la gibecière.
L’on part. Et cependant l’Arabe à son Fils dit :
Nous voici tout-à-l’heure au terme du voyage.
Le ciel a largement récompensé les soins.
Mets en lui ton espoir. La Providence est sage,
Et sait pourvoir à nos besoins.
Mon Fils, sa main inépuisable
A placé le plaisir à côté du souci,
Les fleurs près des déserts. Heureux ou misérable,
Souviens-toi que la vie est un désert aussi :
Là sont les champs brûlés, les montagnes de sable ;
L’eau, l’arbre et les fruits sont ici.
“L’Arabe et son Fils”