Auguste Judlin
Poète et fabuliste XIXº – L’Athée et la tempête
Porté sur l’Océan par un léger esquif,
Un misérable athée, à nos dogmes rétif,
Bravait Dieu du regard, et, d’un ton d’importance,
Niait impudemment sa suprême existence :
Quand survint tout à coup une horrible tempête.
L’espace est déchiré par des milliers d’éclairs ;
Le tonnerre en furie éclate sur sa tête,
Rugit, roule sa voix, fait frissonner les airs.
L’aquilon , plein de rage, à son tour se déchaîne,
Et la mer, par bouillons, se soulève avec peine.
Entraîné loin des bords par les flots en courroux,
Au trépas disputé par l’Océan jaloux,
Le frêle bâtiment, tournoyant sur les lames.
Tantôt court à l’ouest et tantôt court au nord :
Partout est la tempête, et partout est la mort.
Notre athée, effrayé, laisse échapper les rames,
Soudain tombe à genoux, éclairé de la foi :
» Daigne me ramener sain et sauf au rivage ,
» 0 Dieu juste, dit-il, ou je péris sans toi !
Chacun, dans le danger, tient le même langage.
On a beau nier Dieu , l’oublier tous les jours ;
Quand la tempête arrive, on y revient toujours.
Auguste Judlin