Au pied d’une colline, une limpide source,
Bientôt ruisseau paisible, arrosait dans sa course
Les champs riches d’épis, les prés riches de fleurs.
D’un paisible sommeil ignorant les douceurs,
Et pressant dans sa main les cordons d’une bourse.
Un avare, en passant, sur ses bords vient s’asseoir,
Et dit : Tu devrais bien, source trop imprudente,
Pour conserver les flots de ton urne abondante,
Te creuser sous la terre un vaste réservoir.
Là, dans ta profondeur te contemplant sans cesse,
Tu connaîtrais enfin l’ineffable richesse,
Au lieu de t’épuiser pour des vallons ingrats.
Crois-moi, c’est le conseil et l’exemple d’un sage…
— C’est l’exemple d’un sot, d’un méchant personnage !
Votre égoïsme étroit ne me tentera pas.
Je veux par des bienfaits signaler mon passage;
Et quand le rossignol chante sur le bouleau,
Quand la fille des champs vient se mirer dans l’eau,
Quand de son aile, enfin, m’effleure l’hirondelle,
Je murmure d’orgueil dans mon lit de cailloux.
Oh! de tant de bonheur qui ne serait jaloux!
Dites, ne dois-je pas vous servir de modèle?
Que si l’été brûlant me tarit quelquefois,
Bientôt l’eau du ciel tombe et me rend à la fois
Mes flots et le plaisir de les répandre encore…
A l’avare inhumain notre mépris est dû :
Mais celui que pour tous un saint amour dévore,
Qu’un amour éternel par tous lui soit rendu.
“L’avare et la Source”
- Pierre Lachambeaudie – 1806 – 1872