Le Berger et la Mer, commentaires et analyses par MNS Guillon – 1803
- Le Berger et la Mer
1) Un voisin d’Amphitrite. La mer étoit pour les anciens une divinité Qu’ils nommaient Nérée, l’océan, Neptune, à qui ils avoient donné pour femme Amphitrite. « Au commencement des siècles, Amphitrite, ou la mer, n’avoit pas encore, dit Ovide, embrassé dans sa vaste enceinte les terres. » ( Métam. Liv. 1· vers 13 et 14.
(2) Plage, du latin plaga, rivage de la mer.
(3) Corydon ou Tircis, Fut Pierrot. Tous noms de bergers; les premiers, dans les romans, où leur condition est embellie par les charmes de la fiction , on par les privilèges de la richesse ; le dernier, dans les travaux champêtres, n’est qu’un valet à gages. Boileau a dit de même : On dirait que Ronsard, sur ses pipeaux rustiques, Vient encor fredonner ses idylles gothiques, Et changer, sans respect de l’oreille et du son, Lycidas en Pierrot, et Phyllis en Toinon. (Art poét. ch. 2)
(4) Et comme un jour les vents retenant leur haleine, Laissoient paisiblement aborder les vaisseaux. Le poète Lucrèce dit, en parlant des premiers habitans de la terre, que le calme de la mer ne les tentoit point de se fier aux trompeuses espérances qu’elle semblait leur donner: Nec poterat quemquam placidi pellacia ponti, Subdola pellicere in fraudem ridentibus aquis. ( De natur. rer. Liv. V. v. 1oo3.) Le même poète s’est imité lui-même dans ce vers : Subdola cum ridet placidi pellacia ponti. , (Lib. II. v. 55g.) Il est possible que La Fontaine ait eu dans la pensée ces vers, dont le sens s’accorde parfaitement avec l’idée de sa fable.
(5) Aux conseils de la mer et de l’ambition. Remarquez ce rapprochement. Les orages de l’ambition sont-ils donc aussi impétueux que ceux de la mer ?
Etudes et analyses des fables de La Fontaine, Louis Moland,1872
Fable II. Le Berger et la Mer. ,Esop., 49, 164.
Il faut lire la fable telle que Guillaume Tardif, le lecteur de Charles VIII, l’a développée avec sa prolixité spirituelle. C’est Tardif qui, avant La Fontaine, a soin le premier de constater que le berger revint à son ancien état. Il ne se borne pas non plus à répéter la plaisanterie d’Ésope : le pasteur, dans la fable grecque, a chargé son navire de dattes, qu’il a été forcé de jeter à la mer. Aussi, quand la mer le tente de nouveau par son aspect tranquille, le pasteur dit seulement : ” C’est parce qu’elle veut encore des dattes. ” Le berger de Tardif est plus disert :
« Dame, lui dit-il, vous êtes bien subtile : vous me faictes belle chère et beau semblant… Certes, ne vous y attendez plus : vous m’avez trop plumé pour une fois. « C’est à peu près le petit discours du personnage de La Fontaine:
Vous voulez de l’argent,ô mesdames les eaux!
Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi! vous n’aurez pas le nôtre.