Pañchatantra ou fables de Bidpai
Contes et fables Indiennes – Le Brahmane sa Femme
5e. Livre – II. — Le Brahmane, sa Femme et l’Ichneumon
Il y avait dans un endroit un brahmane nommé Dévasarman. Sa femme accoucha et mit au monde un fils. Le même jour, un ichneumon femelle mit bas un ichneumon. Pleine de tendresse pour son enfant, la femme du brahmane nourrissait l’ichneumon aussi comme un fils, lui donnait son lait, le frottait avec de l’huile, et cetera. Mais pensant qu’il pourrait peut-être, à cause de la méchanceté de son espèce, faire du mal à l’enfant, elle ne se fiait pas à lui. Et certes on dit ceci avec raison :
Un mauvais fils même, mal élevé, laid, sot, vicieux et méchant, peut causer la joie du cœur aux hommes.
Assurément le monde dit : Le sandal est frais, en vérité ; le contact du corps d’un fils surpasse de beaucoup le sandal.
Généralement les hommes ne désirent pas le lien de l’amitié avec un bon père, ni avec personne, comme avec un fils.
Or un jour, après avoir bien posé l’enfant sur le lit, elle prit le pot à l’eau et dit à son mari : Hé, maître ! je vais aller à l’étang chercher de l’eau ; tu veilleras à la garde de ce fils contre l’ichneumon. Mais lorsqu’elle fut partie, le brahmane laissa la maison vide et s’en alla aussi quelque part pour recueillir des aumônes. Cependant un serpent noir sortit d’un trou et vint, par la volonté du destin, auprès du lit de l’enfant. L’ichneumon s’avança contre cet ennemi naturel, l’attaqua en chemin de crainte qu’il ne tuât son frère, combattit avec le méchant serpent, le mit en morceaux et le jeta loin. Puis, content de sa bravoure, la gueule inondée de sang, il alla au-devant de la mère pour montrer son ouvrage. Mais la mère, quand elle le vit venir la gueule baignée de sang et très-animé, pensa avec crainte : Ce méchant a sans doute mangé mon enfant ; et de colère, sans réfléchir, elle lui jeta le pot plein d’eau. Par l’effet seul de la chute du pot l’ichneumon perdit la vie, et lorsque, le laissant là sans s’inquiéter de lui, la mère entra dans sa maison, l’enfant dormait tout comme auparavant, et auprès de son lit elle vit un grand serpent noir coupé en morceaux. Puis son cœur fut affligé de chagrin d’avoir tué inconsidérément un fils qui avait rendu service, et elle se frappa la tête, la poitrine, et cetera. Quand en cette occurrence le brahmane aussi, après avoir couru çà et là, revint de quelque part avec les présents qu’il avait reçus et vit cela, la brâhmanî, accablée de chagrin à cause de son fils, se lamenta : Hé, hé, homme avide ! puisque, dominé par l’avidité, tu n’as pas fait ce que je disais, recueille maintenant le fruit de l’arbre de ta faute, le chagrin de la mort de ton fils. Et certes voilà ce qui arrive à ceux qui sont aveuglés par la cupidité. Car on dit :
Il ne faut pas avoir trop d’avidité ; mais qu’on ne renonce pas au désir. A celui qui est dominé par l’avidité une roue tourne sur la tête.
Comment cela ? dit le brahmane. La brâhmanî raconta :
Insecte volant
“Le Brahmane, sa Femme et l’Ichneumon”
- Panchatantra 61