Victorin Fabre
Homme de lettre, poète et fabuliste XVIIIº – Le Buisson
Au sommet du coteau buisson rampe… et domine.
Chêne au front vert s’élève au flanc de la colline.
« Qui végète à mes pieds ? dit le buisson ; là-bas
Quel jeune ambitieux, si fier de ses longs bras
Se dresse ? C’est un chêne; on le dit grand ; sans doute
Il aspire à m’atteindre ! Eh bien, mon brave, en route !
Monte, branche tendue et rameaux déployés.
Qu’on élève sa tête au niveau de mes pieds !
J’y consens. Le trajet sera long ; mais qu’importe ?
Les jours de tes pareils se comptent par cent ans.
Prends-en mille ; grandis, chemine… et je t’attends. »
Il n’aurait pas, je gage, attendu si longtemps.
Mais il n’attendit pas. Une bise un peu forte,
Grand orage pour lui, le soulève et l’emporte
Au pied du chêne. « Ah ! monseigneur !
Quelle épouvantable culbute !
—Mon ami, répond-il, toujours sur la hauteur,
Aux caprices du vent notre gloire est en butte.
Rude épreuve ! Satan tombé du ciel, l’auteur
Qu’on siffle, un favori qu’on fait ambassadeur,
N’a jamais eu l’esprit si troublé de sa chute.
Si j’ai le même sort, j’eus le même défaut :
On se croit le plus grand quand on est le plus haut, »
Le Buisson, Victorin Fabre