Un chardon, se targuant près d’une sensitive,
Se mit à la railler sur sa timidité :
— « Voisine, en vérité,
Vous me semblez par trop craintive.
Comment !
Au moindre mouvement,
Vos feuilles se retirent !
Imitez-moi plutôt ;
Si quelque sot
Me provoque, à l’instant mes pointes le déchirent.
— « Que voulez-vous ? reprit la délicate fleur :
Mon caractère
Du vôtre, en tout diffère.
Votre arme est le poignard ; la mienne est la douceur :
Une sombre retraite
Est mon plus grand désir :
Au lieu de m’emporter, j’y préfère souffrir
Une injure indiscrète.
Puisse, mon cher voisin, votre ton de bravo
Ne pas baisser devant la pelle ou le râteau ! »
Une seconde, après cette réponse,
Le jardinier paraît une pelle à la main ;
Il poursuivait la ronce
Et débarrassait le terrain.
Inutile de dire
Que le chardon, malgré son ire,
Honteusement se vit déraciner,
Tandis que de sa main active
Le jardinier soigna la sensitive ;
Ce qui ne doit point étonner.
Sur l’arrogance
La douceur eut toujours la préférence.
“Le Chardon et la Sensitive”