Le renard surpris au piège d’un chasseur ,
Faisait piteuse contenance :
De ta méchanceté voici la récompense ,
Lui dit l’homme en fureur :
C’est en vain que tu prends l’air faux des hypocrites;
Le châtiment que tu mérites ,
Me vengera d’avoir étranglé mes poulets ,
Mes pigeons , mes agneaux, et tant d’autres forfaits.
Le renard répondit : je reconnais mon crime ;
Mais j’attends mon pardon de la bonté sublimé,
D’un homme rempli d’équité.
Je fus cruel, oui, c’est la vérité.
Pressé par une faim vorace ,
J’ai souvent dépeuplé la race
Des habitans de votre basse-cour.
C’était mal vous faire ma cour :
Le besoin sera mon excuse
Des cruautés dont je m’accuse.
Mais vous que la nature a comblé de ses dons,
Qui possédez d’amples provisions
De grains , de végétaux, de fruits et de racines ;
Vous, accablé de biens et de faveurs divines ;
Vous qui réunissez tant d’objets superflus,
Si nous sommes cruels, vous l’êtes cent fois plus!
La tyrannie , enfin , vous est-elle permise ?
Hommes sensuels, vous êtes des bourreaux ;
De sang-froid, excités par votre gourmandise,
Vous massacrez les pauvres -animaux.
En autrui, nous blâmons, et nous taxons de crime ,
Avec un air de courroux ,
Telle action, qui , pour nous ,
Se travestit et devient légitime.
“Le Chasseur et le renard”