Pour bien juger les grands, il faut les approcher.
Un jeune chat, rôdant sur le toit d’une église.
Admirait le coq du clocher.
Qui brillait fort. Raton, dans sa surprise,
Disait : « Où s’est allé percher cet animal ?
Son éclat me ravit : je n’ai rien vu d’égal.
C’est peut-être quelque machine
Sans mouvement, pour faire peur aux chats.
Mais non ; le voilà qui chemine :
Ce coq assurément vient des lointains climats.
« Pour mieux le contempler Raton alors s’arrête.
Quand il eut bien examiné le cas,
Philosophé sur la queue et la crête :
« Il est d’or, ou, parbleu, je ne m’y connais pas ;
Ce coq est d’or, vous dis-je, et d’or très-pur encore.
Nous allons voir s’il a du cœur.
Ô Jupiter ! tu sais que je t’honore :
Voilà le roi des coqs, fais que j’en sois vainqueur ! »
Après cette courte prière
Raton, ranimant son ardeur,
S’élance sur une gouttière,
Gagne une tour et saute de manière
Qu’il atteint le clocher. De là, Grippeminaud,
De lucarne en lucarne, arrive jusqu’au haut
Non sans péril : Raton avait l’âme guerrière,
Et ne s’effrayait pas des dangers de l’assaut.
Arrivé, le voilà bien sot :
Ce coq si beau n’était que matière grossière.
Raton lui fait défi : l’autre, sans dire mot.
Tourne tantôt la tête, et tantôt le derrière.
Raton, dans sa lucarne, enrage comme il faut
De la sottise qu’il a faite ;
Enfin, voyant qu’il tournait à tout vent !
« Je t’ai pris, lui dit-il, pour un être vivant,
Et tu n’es qu’une girouette ! »
Tel brille ainsi de loin, dans un poste éminent,
Qui de près n’est qu’une mazette.
“Le Chat le Coq et le Clocher”