Un jeune enfant avec son père
Se promenait dans un jardin,
Et ne songeait qu’à se distraire
De l’ennui qu’il avait essuyé le matin
En feuilletant son Despautère ;
Lorsqu’ils trouvèrent en chemin
Un arbrisseau dont la tempête
Avait courbé la tige et fait ployer la tête
En forme à peu près d’un berceau.
A cet aspect, le sage père
Voulant à son cher jouvenceau
Donner un avis salutaire :
« Mon fils, dit-il, prenez cet arbrisseau,
Et le rétablissez dans sa forme première.
— Volontiers, papa, » dit l’enfant.
Aussitôt il le prend, et, sans beaucoup de peine,
Il le redresse au même instant.
« Fort bien, dit le Mentor; mais voyez-vous ce chêne
Que son poids vers le sol entraîne ?
Quoique déjà fort avancé,
Il aurait bien besoin d’être un peu redressé.
Allez aussi lui rendre ce service.
— Oh ! oh ! dit l’enfant en riant,
Papa, pour moi quel exercice !
Je le tenterais vainement ;
Mon bras est un peu trop novice.
Je m’en serais chargé fort aisément,
Lorsque cet arbre était encor dans son enfance ;
Mais de le redresser ce n’est plus la saison,
Et les bras même de Samson
Ne vaincraient pas sa résistance.
— Oui, mon fils, vous avez raison,
Reprit alors le père, et cette expérience
Pour vous doit être une leçon.
Nos penchants dans le premier âge
Sont faciles a corriger ;
Mais on ne peut plus les changer
Quand ils sont raffermis par le temps et l’usage. »
“Le Chêne et l’Arbrisseau”