Un Chêne, ami des dieux, régnait dans la forêt ;
Une humble Violette à ses pieds respirait,
Et du parfum de son haleine
Embaumait le canton, et toujours se cachait :
« À te cacher tu perds ta peine,
» Lui dit le Chêne, un jour, par mes soins bienfaisans,
» Je prétends payer ton encens :
» De l’auguste faveur dont Jupiter m’honore
» Je me rendrai plus digne encore,
» Si je m’en sers pour faire des heureux.
«Trop souvent j’ai comblé de ma munificence
»> L’ingrat et le présomptueux ;
» Il est temps de venger avec magnificence
» L’être modeste et vertueux :
» Sois à l’abri, sous mon ombrage,
» Des feux du jour et des coups de l’orage ;
» Pour toi, de mon bras protecteur
» Va se répandre une douce rosée,
» Qui doit, sur ta tige arrosée,
» Féconder tes parfums et nourrir ta fraîcheur. »
A ces mots, l’humble Violette
Frémit de plaisir et d’amour ;
Par modestie elle resta muette ;
Mais elle osa montrer à l’œil du jour
Le velours empourpré dont se pare sa tête,
Et, de ses sentimens éloquent interprète,
Un soupir s’exhala de son sein enflammé :
Parfum délicieux dont l’air fut embaumé.
Heureux le souverain qui, jaloux de la gloire,
Par ses soins généreux assure la victoire
Aux modestes talens, s’il en est parmi nous !
Leur encens toujours pur est toujours le plus doux.
“Le Chêne et la Violette”