Air de M. Dumolet.
Pour cette fable il me fallait
Un air charmant aussi neuf qu’agréable,
Et je le rencontre à souhait
Dans l’air nouveau de monsieur Dumolet.
Quel est la-bas ce brin d’herbe qui flotte?
Dit un vieux Chêne en lorgnant un roseau.
Il n’est vi aiment pas plus haut que ma botte,
C’est, je crois, le Tom-Pouce des végétaux,
Sur l’air composé tout exprès
Pour ce bon monsieur Dumolet.
Hola! bambin, dit il, d’un’ voix hautaine;
Dis-moi que nom ton parrain te donna?
Le Roseau dit : Parbleu, monsieur le Chêne,
Ma signature est cell’ de mon papa,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
L’arbre reprit : Eh bien, madam’ la mère
Du mauvais lait au berceau te donna ;
Suis promptement un régime sévère,
Bois du bordeaux, prends du tapioca,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Regarde-moi, je suis fort et l’orage
Déchaîne en vain la foudre et l’aquilon;
Mon front hardi se coiffe d’un nuage
Et mes pieds vont rendr’ visite à Pluton,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Les écrivains, sous mes savants ombrages,
Viennent pourvoir leurs esprits indigents :
Hugo, sans moi, n’eût pas rempli ses pages,
Dumas, tout seul, eût-il fait ses romans?
Sur l’air composé tout exprès, etc.
J’inspire encor, sans piano, ni grimoire,
Chaque malin des chansons aux oiseaux ;
Tout comme Auber, j’ai mon conservatoire :
Et là du moins on ne chante pas faux
Cet air composé tout exprès, etc.
A mon entour je vois mainte fillette
Rire et graver sur moi son joli nom
J’en conclus donc qu’si le ciel m’eût fait bête,
Certainement j’aurais été lion,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Mais toi, chétif, perdu dans la campagne,
Frôle, tremblant et bon à rien, ma foi.
Tu fais l’effet d’un p’tit mat de Cocagne
Tour les fourmis, à la fête du roi,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Rôti l’été, dans l’hiver lu grelottes;
Si Dieu t’avait mis près d’ moi par hasard.
J’ l’abriterais d’un pan d’ ma redingote.
J’te prêterais, quand il pleut, mon rifflard
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Le Roseau dit : Monsieur, je suis sensible
A vos bontés, mais laissons fair’ le temps :
Je ne crains rien, car j’ai le dos flexible;
De père en fils nous sommes courtisans,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
Mais tout-à-coup, Eole et compagnie
Lancent dans l’air tous les vents déchaînés.
L’arbre tient bon, le pauvre roseau plie,
Et sur le sol va se cogner le nez,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
L’arbre orgueilleux riait de l’aventure ;
Soudain il ploie, il tombe de son haut.
L’autre en fut quitt’ pour une égratignure
Et pour brosser sa veste et son chapeau,
Sur l’air composé tout exprès, etc.
MORALITÉ.
On voit par là que l’homm’ fier, formidable,
Qui d’ son esprit, d’ ses talents fait jabot,
N’est bon souvent, comm’ le chên’ de la fable,
Hélas! qu’à fair’ des buch’s et des fagots,
Sur l’air composé tout exprès
Pour ce bon monsieur Dumolet!
Fortoul.(Le Chêne et le Roseau )
La musique, arrangée par M. Saint-Malo, se trouve chez M. Leduc, édileur, 18, rue Vivienne.