Le Chêne et le Roseau
Pour les amateurs de bouts-rimés, on peut (re)faire une fable connue de La Fontaine – Le chêne et le roseau – sur les rimes d’un poème célèbre – le Dormeur du val, d’Arthur Rimbaud.
Dans un pays lointain, au bord d’une rivière,
Est un frêle roseau fagoté de haillons,
Près de lui vit un chêne à la parure fière
Dressant, devant Phébus, un rempart aux rayons.
La cime du grand arbre atteint presque la nue,
Mais, du ciel, le roseau n’en voit guère le bleu,
Et pour offrir un trait à sa peau pâle et nue
Il penche à hue à dia, sauf bien sûr lorsqu’il pleut.
Le chêne dit un jour : « Ne voyez-vous pas comme
Je fais tout simplement ce que le sort me somme ?
Que vous n’ayez point chaud, cela me laisse froid ! »
À peine ces mots dits, Notos, de sa narine,
Souffle un air si puissant qu’il frappe la poitrine
De l’arbre, qui s’abat, rendant au jonc son droit.
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
- Autres fables de Patrick Lanciot : https://pich24.wordpress.com/