Œil vif, jarret d’acier, ruisselante crinière,
Un ardent et jeune cheval
Traînait un char d’une course légère :
Sur son chemin, noble et fier animal,
Il faisait voler la poussière…
— Que servent, se dit-il, ces rênes et ce frein
Dont on entrave mon allure ?
Croit-on qu’elle serait moins rapide ou moins sûre.
Si d’un maître importun je ne sentais la main ?
On parle à tout propos de mon intelligence;
On vante ma vigueur, mon sang et ma beauté ;
Pourquoi n’aurais-je pas aussi la liberté ?
Assez d’obéissance !
Mon esclavage va finir !. .. —
Là-dessus, il bondit et, comme un trait, s’élance.
Il est sourd à la voix qui veut le retenir
Comme insensible au mors qui déchire sa bouche.
Son regard, sanglant et farouche,
De guide ne sert plus à ses pas insensés.
A travers la campagne
Il vole, franchissant les buissons, les fossés,
Furieux, ivre, fou. La terreur raccompagne…
Mais un mur, résistant aux efforts centuplés,
Termine cette course effrénée et terrible.
Le char vole en éclats et, dans un choc horrible,
Cheval et conducteur expirent mutilés.
“Le Cheval emporté”