Jean Baptiste François Ernest Chatelain
Pour la première fois au brancard attaché
Un Courtier suranné faisait le diable à quatre ;
Son patron avait beau le battre,
L’animal refusâit de paraître au marché,
Et ripostait par des ruades,
Des sauts, des bonds, des algarades.
Bien qu’en butte à ses coups de pied,
La Charrette pour lui sentit quelque pitié.
” Cheval, mon ami,” lui dit-elle,
” Si tu pouvais prétendre à me mettre en morceaux,
J’applaudirais moi-même à tes rudes assauts :
Contre un pouvoir sans nerf j’aime qu’on se rebelle.
Mais le charron, comme tu vois,
M’a faite et de fer, et de bois.
Solidement je suis construite ;
Et loin de m’entamer, on te verra plutôt
Contre moi briser ton sabot.
De pareils accidents tu sais qu’elle est la suite ?
Promène-moi donc de bon cœur
Ou ma foi ! gare à l’écorcheur ! ”
Vous qui cherchez à nous tenir en laisse,
Qui d’un Roi de Juillet vous dites sujets,
Ministres insensés, vous qui contre la Presse
Vous ruez chaque jour en hostiles projets ;
Croyez en ma Charrette, et puisse son langage
Vous détourner de faire usage
De la force brutale,….. invalide instrument
Entre les mains d’un pouvoir sans ciment.
“Le Cheval et la Charrette” – Cette fable a paru en 1838 dans la Revue des théâtres : dix ans plus tard Louis Philippe était honteusement chassé de France. Robert Macaire avait fini son règne !