Un chien fort alteré, certain âne fort las,
Arrivèrent ensemble au bord d’une riviere.
Ce n’étoit pour nos gens le bout de leur carrière ;
La rivière comprise il s’en falloit cent pas.
Que ferons-nous, dit l’âne ? Ami, veux-tu m’en croire,
Dit le chien alteré ? Pour sortir d’embarras
Je suis de l’avis qu’il faut boire,
Toute cette onde, et moi je n’en suis pas,
Dit l’âne fatigué : nous ferons mieux d’attendre
Que l’eau s’écoule, en attendant
Je me reposerai d’autant.
Le chien but et creva, l’âne se laissa prendre
Par les loups que la nuit fit sortir des forêts,
Vous riez ! Et pour vous la fable est faite exprès
Vous arrive-t-il une affaire ;
La passion présente est votre conseillere.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Le Chien et l’Asne fatigués.