Martin, grave baudet, et l’agile Miraut,
En même endroit s’en alloient pour affaire.
L’un marchoit d’un pas de commère,
L’autre faisoit une toise d’un saut.
Ce n’étoit moyen d’aller même carriere :
Mais sautant en avant, puis autant en arriére,
Le lévrier leger s’éloignoit du lourdaut,
Et le rejoignoit aussi-tôt,
Marchant ainsi de compagnie,
Ils traversent tous deux mainte longue prairie ;
Ils passent monts et bois, fatiguans pour Martin.
Miraut, comme j’ai dit, faisant triple chemin ;
Et de l’agilité dont il faisoit parade,
Divertissant son camarade.
Enfin, tant fût troté, caracolé, sauté
Qu’avant que d’arriver au gîte,
Le haletant Miraut resta sur le côté.
Martin arriva seul, n’alla-t-il pas plus vite ?
Allez à votre bût l’allure de Martin ;
N’imitez pas Miraut qui se tue en chemin.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Le Chien et l’Asne.