Parmi des loups vivant comme de vrais pandours,
Qui plongeaient dans l’effroi la campagne et la ville,
Certain chien vagabond, expert en mauvais tours,
Alla se chercher un asile.
Grand renfort pour les loups ; car Guillot, le berger,
L’ayant quelque temps hébergé,
Il pouvait, connaissant très-bien les lieux et l’heure
Où les moutons paissaient et rentraient en demeure,
Chez Guillot s’introduire et sur tous les bercails
Donner à nos bandits de précieux détails.
Aussi, lorsqu’ils voyaient poindre quelque aventure,
N’y manquaient-ils point, je vous jure.
Depuis deux ans à peine ils faisaient ce métier,
Que l’on ne comptait plus, dans le pays entier,
Un troupeau qui ne fût, de ce peuple corsaire,
Devenu lors le tributaire.
Pleins de crainte pour l’avenir,
Les bergers, un beau jour, voulurent en finir.
Tous alors s’unissant et s’emparant d’une arme,
Chez les loups, à leur tour, s’en vont semer l’alarme.
Hache, pioche et trident ne firent point défaut ;
On vous les sangla comme il faut.
Quoique dans la déconfiture
Notre chien eût déjà bien souffert quelque peu,
Il croyait, en cette aventure,
Tirer sa peau franche du jeu.
Mais il avait compté sans un rustre et sa gaule
Qui d’un coup vigoureux vous chatouilla le drôle.
« Arrêtez ! cria-t-il, ami ; vous voyez bien
Que je ne suis pas loup, mais chien. »
— « Il m’importe fort peu ! lui dit l’autre en colère ;
Qu’êtes-vous ici venu faire ?
Si je me suis mépris, ma foi, tant pis pour vous,
A vivre avec les loups, les chiens deviennent loups. »
“Le Chien parmi les Loups”