Moyennant certaine somme,
Un fermier vendit son chien.
Pour ami je promets bien
De n’avoir jamais un tel homme.
Chez l’acheteur le pauvre chien traîné,
En dépit du contrat, le refuse pour maître,
Et n’a point de repos qu’il ne soit retourné
Dans la maison qui l’a vu naître.
II y vient, on le chasse ; il revient, on le bat.
C’est chaque jour une scène nouvelle ;
On ne peut décider si l’homme est plus ingrat,
Ou si le chien est plus ridelle.
Le nouveau maître, mécontent
D’un souvenir que rien ne peut éteindre.
Au vendeur va se plaindre,
Et redemande son argent.
Ce dernier point mérite qu’on y pense,
Et l’homme dur imagine un moyen
Pour garder la finance,
Et pour ne pas garder le chien.
« Ah! ah! dit-il, chez moi le drôle
« Veut donc rester, et les coups n’y font rien.
«Voyons si jusqu’au bout il jouera bien son rôle,
« Qu’on le mette à l’attache. » Aussitôt un valet,
Dans un collier où s’ajuste une chaîne,
Enferme le cou du barbet,
Qui de sa vie encor n’avait connu la gêne.
Figurez-vous et ses bonds et ses cris.
Tous les gens de la ferme en étaient attendris.
La douleur fît place à la haine,
Et , dès le même soir» oubliant ses vertus,
Le chien rompit sa chaîne et ne reparut plus.
Ne blessez pas l’indépendance
Des cœurs qui vous sont offerts;
Vous perdez leur reconnaissance
Quand vous leur donnez des fers.
“Le Chien vendu”