Le Curé de Sainte-Opportune,
Dont les joyeusetés firent jadis fortune,
Disait un jour, au prône, à ses paroissiens :
Mes Frères, je promets, si tant est qu’il les aime,
Des pois, pour tout le temps de notre Saint Carême,
A qui de vous, par d’évidents moyens,
Me convaincra que jamais à sa femme
Il n’obéit en rien. Sus, voilà qu’on s’enflamme,
Et que chacun ensache et dépêche à son gré
Les pois de Monsieur le Curé.
Mais, alors qu’on en vint à lui donner des preuves,
Pas un ne se tira si net de ces épreuves,
Qu’il ne se vît forcé de rebrousser chemin,
Sans plus de pois que sur la main.
Or, il advint que, l’Octave suivante,
Instruit du fait, un Quidam se présente,
Portant un sac au bout d’un long bâton :
Tels, les nobles fils de la Gloire,
Sous l’étendard de la Victoire,
Font dire : « C’est César, Pompée, ou Scipion ! »
Tel, ombragé du sac qui flottait sur sa tête,
Ce fier Quidam faisait crier : « Pour cette fois,
C’est le vengeur des Maris : mort aux pois
De Monsieur le Curé ! » Bref, on passe à l’enquête :
Interrogé sur tous les altercas
Qui peuvent surgir en ménage,
Notre Héros n’avait fait retraite d’un pas ;
Et le Curé, le proclamant un Sage,
Non sans feindre quelque embarras :
Prenez mes pois, dit-il… Mais, tandis que notre homme
En remplissait son sac : Celui-ci, pour la somme,
Ajoute le Curé, me semble trop petit ;
Vous l’auriez dû choisir plus grand… Eh ! sur mon âme,
Je le voulais, répond le Mari ; c’est ma femme
Qui ne l’a pas voulu… Vraiment ! bon appétit.
Lui repart le Curé ; laissez mes pois, belître !
Votre femme avait bien raison :
Le sac est assez grand pour renfermer le titre
Dont vous deviez ennoblir sa maison.
Ah ! les pauvres Maris ! car, ils auront beau faire,
Et beau dire : « Le maître, en mon logis, c’est moi… »
Le maître !… ajoutez donc : « Mais, lorsqu’en toute affaire.
De Madame j’ai pris la loi ! »
“Le Curé et les Maris”