Je ne puis y songer sans rire
A l’histoire de mon curé.
Par plaisir je vais vous la dire:
Vous en rirez aussi, j’en suis bien assuré.
Un jour ce curé me demande
Si je connoîtrois un railleur
Bien diligent et point voleur.
Je lui vante le mien ; il l’accepte et le mande.
L’ami Buée arrive. ” Ah, bonjour. – Serviteur. –
” Je voudrois contre la froidure
” Une bonne soutane; il me la faut demain.-
” Vous l’aurez. – Sans manquer ? – Sans manquer, je vous jure.-
” Mais demain dès le grand matin.—
” Vous l’aurez. — Prenez donc à l’instant ma mesure.
Tout en toisant le dos , et le ventre, et les bras,
Notre tailleur me fait un signe
Auquel je n’entends rien. Je lui parle tout bas,
Lui dis de s’expliquer.” Vous ne voyez donc pas
” Comme l’épaule gauche avec l’autre s’alligne ;
” Elle est de deux pouces au moins
” Plus que sa sœur est grosse et haute. —
” Croyez-vous ? — Aux yeux cela faute ;
” Mais attendez-vous que mes soins
” Cacheront… – Ah j’entends ; un peu de garniture
” Rectifiera demain l’erreur de la nature. —
” C’est vrai. —Bonjour . II part, revient le lendemain.
En cachette il me fait tâter avec la main
L’endroit garni. Je ris. Il place son ouvrage.
Je ris alors bien davantage
En voyant mon curé, président des bossus.
Ce n ‘étoit morbleu point une bosse en ébauche,
C’étoit un beau melon, melon des plus cossus.
Le diable de tailleur avoit du côté gauche
Ajusté le coussin fait pour le côté droit.
C’est ainsi qu’un ami, zélé, mais mal-adroit,
En voulant m’excuser d’une faute légère
Qu’on ne voyoit pas trop, la montre et l’exagère.
“La Brebis et le Cerf “