Le Daim et la Gazelle
Une intéressante gazelle
Avait perdu sa sœur, sa compagne fidèle,
Et la pleurait depuis deux ans.
Comme un ramier plaintif prolonge ses accents,
Aux bois les plus déserts confiant sa tristesse ,
Elle allait y gémir sans cesse ;
Rien ne pouvait la consoler.
Un daim jeune et surtout sensible
Lui dit un jour : « Est-il possible
Qu’une sombre douleur vienne ainsi l’accabler !
Prends-moi pour ton ami, ton confident, ton frère ;
Je suis libre et le jure une amitié sincère :
Ma sœur, daigne écoutez ma voix !
Doux comme ta compagne et prévenant comme elle,
Je te suivrai partout. —Ah! lui dit la gazelle ,
Dépend-il de mon cœur de faire un autre choix?
On peut bien, éprouvant un retour de tendresse.
Remplaçant une maîtresse
Et former d’autres amours ;
Mais un ami véritable !…
Sa perte est irréparable,
On doit le pleurer toujours. »
Explication morale :
Qu’un ami véritable est une douce chose! dit le bon La Fontaine ; c’est le plus beau présent que le ciel puisse nous faire; mais soyez difficile dans le choix d’un ami. Avant de vous lier plus étroitement voyez si sous le rapport des goûts des mœurs, du caractère, vous lui convenez autant qu’il vous convient à vous-même ; et souvenez-vous, mes enfants, que la vertu seule doit serrer le nœud d’une
véritable amitié ! On n’oublie jamais son ami d’enfance ; lâchez donc de conserver toujours celui qui aura partagé vos jeux innocents et vos riantes espérances à l’entrée de la vie ; car la perle d’un ami . est la plus grande qu’on puisse faire. Alors, si votre choix a été heureux, la consolante amitié sera pour vous comme une seconde providence; elle vous rendra le souvenir de votre brillante jeunesse à toutes les époques de la vie, et couvrivra de fleurs les bords de la tombe, où vous irez un jour vous réunir à ceux qui vous ont précédés. (Le Daim et la Gazelle )
“Le Daim et la Gazelle”