A l’entour d’une ferme, au pied d’une montagne,
Un dindon des plus sots et des plus orgueilleux,
Rêvait; quand sur le roc pendant sur ta campagne,
Il vit le roi des airs s’envoler dans les cieux,,..
— Pourquoi végéter sur la terre ?
S’écria le dindon comme éveillé soudain;
Pourquoi ne pas tenter, au sein de la lumière,
Un glorieux destin ? —
Il dit, et, gravissant la roche solitaire
D’où l’oiseau vainqueur du tonnerre
A pris son vol audacieux,
Il se repaît déjà de sa gloire future ;
Pour lui s’agrandit la nature,
Il croit bientôt toucher a l’empire des dieux !
Cet espoir le soutient, son orgueil le ranime.
Arrivé sur le pic, sur le bord de l’abîme,
Regardant en pitié tes divers animaux :
Ses parents, ses amis, naguère ses égaux :
— Eh ! voyez donc quelle détresse,
Quels ennuis, quels dégoûts dans cette basse-cour !
Ah ! oui, prouvons que notre espèce
Est digne de monter à la source du jour !—
Il a dit… il s’élance… Il a quitté la terre !…
Va-t-il au sein de la lumière
Planer, majestueux, sur l’immense univers ?
Va-t-il.,.. mais sur l’abîme il a fait la culbute !
Hélas ! pour retarder sa chute,
De son aile trop courte il frappe en vain les airs;…
Le dindon n’est pas fait pour prendre la volée :
Aussi, loin de monter à l’empire des dieux,
Plus bas que son berceau, dans un marais fangeux,
Hué de tous, il tombe au fond de la vallée
Où ses premiers amis se livraient à leurs jeux ;
Et meurtri, dans la boue, hélas ! sans espérance,
Certes, le dindon serait mort
S’il n’eût reçu prompte assistance
De tous ceux dont, naguère, Il déplorait le sort.
Plus d’un petit auteur, plus d’un homme à conquêtes,
Plus d’un petit bourgeois, plus d’un petit baron
Rêvant de glorieuses fêtes,
A fait le saut de mon dindon.
“Le Dindon qui veut imiter l’Aigle”