Le Directeur forain d’une Ménagerie
Avait de ses acteurs vu périr la moitié,
Par une affreuse épidémie.
La mort, l’horrible mort les frappait sans pitié.
Après maint courtisan, le lion, leur monarque,
Avait déjà payé le tribut à la Parque.
Encor s’il avait eu des aigles, des vautours ;
Mais il ne lui restait qu’une buse et deux ours,
Avec une vieille bourrique,
Qui devait traîner la boutique.
Que faire en pareil cas ?
Lorsque l’on se trouve si bas,
N’est-il donc pas permis d’user de stratagème ?
Donc, dans sa pénurie extrême,
Monsieur le directeur fit enlever les peaux
De tous ses défunts animaux,
Puis les fit coudre sur le dos
D’Azor et de César. Notre âne pacifique
Devint un vrai lion
D’Afrique.
De plus, sans contestation
La jeune buse devint aigle.
Ce n’était là qu’un tour d’espiègle,
Des plus communs en notre temps,
Où triomphent les charlatans.
Sur le compte de bien des gens,
Ô peuple, aisément tu t’abuses :
Que d’aigles prétendus, qui ne sont que des buses !
“Le Directeur de Ménagerie”