Victorin Fabre
Homme de lettre, poète et fabuliste XVIIIº – Le Discours d’ouverture
J’ai lu qu’un voyageur, dans je ne sais quel bois.
Vit les représentants des singes de l’Afrique,
Par appel nominal, assujettir les noix
A des droits réunis. Le manuscrit indique
Que pour rendre l’impôt classique,
On avait mis en grec la mesure et les poids,
“Ce grec m’aurait surpris, si la première fois.
Dit l’auteur, qu’un billet acheté, non sans peine,
M’ouvrit une tribune à la Chambre africaine 1,
Je n’avais vu, lecteur, tout comme je vous vois,
Un magistrat à la romaine ;
Un consul, qui, d’un ton très-significatif,
Ouvrit la session par ce discours logique :
” Citoyens députés au corps législatif,
” Qui dit loi dit raison et volonté publique.
« Ainsi donc, pour faire des lois,
“À moi la volonté, la raison, les ressources
” De la parole. A vous, des doigts; et, dans vos doigts,
“Le pouvoir de lier vos droits,
” Le droit de délier vos bourses. ”
Le voyageur trop sage, et d’un cœur trop anglais,
Pour être, à nos dépens, a demi véridique,
Ajoute : « Ce discours fut fait en bon français,
Et l’on y répondit : Vive la république !”
De cette preuve sans réplique
Il conclut donc, et conclut bien,
Qu’avec quelque magot, Lyeurgue domestique,
Qui d’un homme d’État, notre maître et le sien,
Avait appris la politique,
Droits du singe et du citoyen
Ont passé d’Europe en Afrique.
Le Discours d’ouverture, Victorin Fabre
1. II est à regretter que le manuscrit ne renferme ni description ni dessin de ces tribunes, qui s’ouvrent, par billets, au milieu d’une forêt d’Afrique. Étaient-elles ménagées dans le tronc creuse des vieux arbres qui bordaient, dit-il, l’enceinte de la salle des députés? je l’ignore, et ne pourrais fournir sur ce point intéressant que de vaines conjectures. (Le Discours d’ouverture)