Un vaniteux Moineau qui vivait dans l’aisance,
(Un sot parfois est opulent)
Aux oiseaux de sa connaissance
Offrit un repas succulent ;
Avec cérémonie à l’avance il invite
Maint habitant de l’air, quelque peu parasite,
Qui venant, au jour dit, pratiquer son métier,
En savourant la figue ou le fruit du sorbier,
Exalte du festin l’ordonnance admirable,
Et pour payer comptant sa place à cette table,
Du Moineau grand seigneur il se fait un devoir
De parfumer le bec à grands coups d’encensoir.
Car des convives c’est l’usage
De flatter d’un plus doux langage
Celui qui les régale, à chaque mets qu’on sert ;
Et tel Amphitryon est crétin, au potage,
Que l’on dit grand homme au dessert.
Je sais plus d’un palais où cela se pratique.
Au sortir du banquet l’on fit de la musique ;
Le Moineau chanta faux, l’auditoire charmé
Criait : Bis ! au fausset de sa voix glapissante ;
Et quand le Rossignol, à la voix si touchante,
Vint exhaler son chant par l’amour animé,
La majorité dit qu’il était enrhumé,
Qu’il fallait du repos pour cette maladie,
Qu’un rhume négligé finissait quelquefois
Par coûter au chanteur ou la vie ou la voix.
Le concert arrêté par cette perfidie.
On se sépare aux cris de : Vive le Moineau !
Et si l’on eût fondé parmi le peuple oiseau
Une académie, une chambre,
Le scrutin eût choisi le donneur de repas ;
Le Rossignol, chez qui les gens ne dînaient pas
N’en aurait jamais été membre.
Chez nous, on ne peut le nier,
Les dîners ont trop d’influence,
Et de tout candidat la première science
C’est d’avoir un bon cuisinier.
“Le Festin du Moineau”