Un Fleuve que formaient mille petits ruisseaux,
Roulait avec fracas son onde menaçante ;
D’un seul Ruisseau l’eau pure et transparente
Serpentait parmi les roseaux.
Que vois-je ? dit le Fleuve, et quel est ce délire ?
Échappé de la fange, avorton, est-ce toi ?
Oses-tu bien couler sans moi,
Et te soustraire à mon empire ?
Viens te perdre en mes flots ; viens, on crains mon courroux.
« Je suis la pente qui m’attire,
» Dit le Ruisseau, d’un ton fort doux ;
« Un peu plus tard, seigneur, j’irai me joindre à vous ;
» Au bocage, en passant, je n’ai qu’un mot à dire. »
— « Qu’entends-je ? il raisonne, je crois !
» Insolent ! oses-tu résister à mes lois ?
» Tu ne crains point de me déplaire ! »
Meurs !« Le Fleuve, à l’instant, gonflé par la colère,
Sur le Ruisseau s’étend et l’engloutit.
En mourant, le Ruisseau pousse un plaintif murmure.
Au cœur de ses amis ce soupir retentît ;
Tous jurent en secret de venger son injure ;
Ils invoquent le Ciel : le Ciel les entendit,
Et sa bonté toute-puissante
Des ruisseaux, à l’instant, daignant changer la pente,
De leurs ondes ailleurs ils portent le tribut,
Et le grand Fleuve disparut.
“Le Fleuve et le Ruisseau”