Un monarque du temps passé
Avait un fou, c’était la mode.
Nos rois n’ont plus cette méthode :
Est-ce mieux fait? Par ma foi je ne sais
Je serais bien embarrassé
S’il me fallait résoudre ce problème.
Les courtisans ne pensaient pas de même ;
Le fou leur était odieux.
Et dérangeait tout leur système;
Les connaissait, les démêlait au mieux;
Car le drôle avait de bons yeux,
Bon bec aussi, la langue bien pendue ;
Sans peur de rien, et toute honte bue.
Tels animaux sont dangereux.
Et puis il amusait le prince;
Il obtenait par-ci, par-là,
Quelque petit bienfait, c’était toujours cela.
La faveur, même la plus mince,
Fait ombrage à ce pays-là.
Le fou vient à mourir ; grand sujet d’allégresse ;
Et tout d’un temps on va trouver le roi.
« Sire, dit-on, supprimez un emploi
Qui vous avilit et nous blesse.
— Le supprimer, di le prince, eh ! pourquoi?
Qu’y peut-on trouver à redire?
J’y trouve moi plus d’une utilité :
Ce pauvre fou me faisait rire,
Et cela doit être compté ;
J’y trouve moi plus d’une utilité :
Ce pauvre fou me faisait rire,
Et cela doit être compté ;
Mais il avait une autre qualité
Que doit chérir tout mon empire :
II me disait la vérité
Que les sages n’osent me dire. »
“Le Fou du Roi”