JADIS,dans un royaume,un géant s’endormit:
Aussitôt, sur son corps, une troupe insolente
De nains de couleur éclatante,
Brodés d’or et d’argent; d’autres, couleur de nuit,
Montèrent petit à petit;
Et ces bataillons nains, non sans beaucoup de peine,
Parvinrent à leur gré, par mainte et mainte chaîne,
A lier doucement le géant endormi.
Bientôt, plus orgueilleux,tout le peuple fourmi
Le frappe à coups pressés de crosses ou de lances,
Et, pour le brûler vif, rassemble ses fagots.
Mais le géant, plongé dans un profond repos,
Est encore insensible aux coups de ces marmots,
Aussi, redoublant d’insolences,
Et voulant noblement terminer leurs travaux,
Les nains prennent des fers, des leviers et des haches,
Des machines et des outils,
Afin de couper, disent-ils,
Le plus beau poil de ses moustaches.
Mais enfin le nouvel Atlas
S’éveille a avec un grand fracas !…
C’en est fait de nos petits hommes,
De leurs crosses,leurs dards, leurs fers,leur coutelas !
D’un souffle,le géant dissipe ces atomes.
Tel peuple qu’on croit asservi,
Ainsi que mon géant, peut n’être qu’endormi,
“Le Géant et le Nain”