Le Laboureur et ses Enfants par Hygin-Furcy, Charles.
( Livre V. — Fable 9. )
Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fond qui manque le moins.
JACQUES AMYOT (1513-1593).
Parmi les hommes d’obscure naissance qui sont parvenus aux premières dignités par leur travail et leur mérite, il faut citer le savant Jacques Amyot.
Né à Melun, en 1513, de parents pauvres, il vint à Paris dans sa jeunesse et servit de domestique à quelques étudiants nobles qu’il accompagnait aux écoles. Amyot portait les livres de ces étourdis, et sa passion pour la science était telle, que pendant tout le temps qu’il marchait derrière eux, il lisait constamment en cachette Les écoliers, plus désireux de jouer que d’apprendre, manquaient fréquemment les leçons, pendant que leur domestique assis dans un coin de la salle en les attendant, cherchait à saisir les explications du professeur, les commentait et les étudiait avec fruit. Le peu d’argent qu’il économisait lui servait à acheter les meilleurs auteurs anciens ; puis il passait une partie des nuits dans l’étude et la méditation.
Combien il fallut de volonté et de courage à Jacques Amyot pour se livrer tous les jours à un travail abrutissant auquel sa misère l’obligeait: combien il eut de peine et de difficultés pour parvenir, sans maîtres et sans argent, à apprendre le grec et le latin ! Les érudits seuls peuvent apprécier ce qu’il déploya de patience et de persistance pour accomplir ce travail gigantesque.
Enfin il abandonna l’état de domestique, entra dans les ordres, puis devint précepteur et eut parmi ses élèves les enfants d’un secrétaire d’État. Ce gentilhomme fut tellement satisfait des progrès qu’Amyot fit faire à ses élèves, qu’il le recommanda à la duchesse de Berry, sœur de François Ier. Il obtint alors une chaire de professeur de latin et de grec à Bourges et fut pourvu de l’abbaye de Bellozanne, ordre des Prémontrés; sa traduction de Theagène et Chariclée, le rendit si célèbre que son érudition le fit choisir par le roi Henri II comme précepteur de ses enfants : c’est à ce prince qu’il dédia les Vies de Plutarque, ce chef-d’œuvre de grâce et de naïveté. Sous le règne de Charles IX, Amyot traduisit les Œuvres morales, dédiées à ce monarque : il parvint alors au comble de la faveur, obtint l’abbaye de St-Corneille de Compiègne, puis l’évêché d’Auxerre. Son élève le nomma enfin grand aumônier de France et commandeur de Tordre du Saint-Esprit.
Amyot mourut en 1593 après avoir parcouru pour ainsi dire tous les degrés de l’échelle sociale, et cela dans un temps où il était difficile, sans être noble, d’avoir accès auprès des grands: il fallut que ce savant eût un mérite transcendant, une érudition hors ligne et qu’il ait joint à tout cela, l’art de se faire aimer de ses élèves et celui plus difficile encore de se produire dans le monde, pour parvenir aux premières dignités, malgré la foule d’envieux et de détracteurs que son génie et sa brillante fortune durent lui susciter.
Hygin-Furcy, Charles. Le La Fontaine en action, ou la Moralité de chaque fable de La Fontaine développée et prouvée par un trait historique ou biographique, ouvrage spécialement destiné à l’instruction de la jeunesse, par C. Hygin-Furcy,…. 1875.
- 1) Extrait du Voyageur poète, par H. Furcy de Bremoy. publié en 1833.