Un laboureur ayant acquis
Dix arpents de bruyère,
Dit à son fils :
« Pour défricher cette maudite terre,
Pioche neuve est nécessaire ;
Mais aussi dans deux ans,
Nous y verrons des épis jaunissants.
Courage !
Vite à l’ouvrage !
Prends l’instrument
Que notre maréchal vient d’apporter fumant. »
L’enfant docile
S’arme de la pioche et se rend aussitôt
Au terrain peu fertile,
Et qui, depuis mille ans, au moins, est franc d’impôt.
Mais, à l’aspect des chardons et des ronces,
Lubin s’arrête, et d’effroi pousse un cri ;
Puis, sur ses pas revient tout ahuri.
Le père alors s’écrie : « Enfant, quoi ! tu renonces
Au plus brillant espoir ?
Du terrain l’étendue
Et sa nature ardue,
A ce point peuvent t’émouvoir !
Ah ! combien ton erreur est grande !
Retourne sur tes pas,
Et surtout, mon ami, ne te fatigue pas.
D’abord, défriche un peu de lande ;
Demain, après demain, tu recommenceras,
Et selon ma promesse,
Chacun verra doubler notre richesse.»
Tout aussitôt l’enfant attaque un coin,
S’écriant, chaque jour : « Le but s’étend moins loin. »
De sorte, qu’au bout de l’année,
Sa tache fut aux trois quarts terminée.
Bref, admirant la riche et première moisson,
Lubin joyeux dit à son père :
« Ah ! je comprends votre leçon ;
Sans le travail, point de salaire ! »
— « Oui, mon ami,
Et jamais la paresse
N’a procuré qu’ignorance et détresse :
Consulte, si tu veux, d’Esope la fourmi. »
“Le Laboureur et son Fils”