Un laboureur avait acquis
Quelques arpents d’une terre stérile.
« Ôtez-en, dit-il à son fils.
Les ronces, les chardons, et toute herbe inutile. »
Le jeune homme aussitôt visite le terrain :
De tous côtés il voit avec chagrin
Tout ce que la nature, à nos désirs contraire,
Fait naître dans un champ quand elle est en colère.
« Je n’en viendrai, dit-il, jamais à bout ;
Ce ne sont qu’épines partout ;
Il me faudrait un siècle, et même davantage. »
Là-dessus il se décourage,
Il ne fait pas le moindre effort :
Il court, il s’amuse, il s’endort.
Le lendemain son père lui demande
S’il a bien travaillé. « Non ; la tâche est trop grande ;
Je n’ai pas commencé. » Le sage laboureur
Lui dit alors avec douceur :
« Vous comprenez mal ma pensée ;
Pourquoi m’attribuer une idée insensée ?
Il ne s’agit que de ce petit coin.
L’ouvrage n’est pas long ; ne vous rebutez point. »
Son fils, plein d’ardeur et de joie,
Sans perdre un seul moment, prend sa bêche et s’emploie
A nettoyer la place avec beaucoup de soin.
Le jour suivant, tâche nouvelle.
Ainsi de suite, il redouble son zèle :
Tout le mauvais est arraché.
Ce terrain si stérile est bientôt défriché.
Ne commencez un long ouvrage
Qu’après en avoir fait sagement le partage.
“Le Laboureur et son Fils”