Tapi dans un vieux mur, qu’une charmille épaisse
De ses obscurs rameaux, recouvrait tout entier,
Un lérot fort gourmand comme l’est son espèce,
A travers ce rideau guettait un espalier,
Où pendait une pêche à la peau veloutée,
Au duvet nuancé de pourpre et de carmin,
Qui promettait à sa bouche humectée
Une chair succulente, un savoureux festin.
« Je l’aurai, disait-il, j’en passerai l’envie.
Dès que le jour éteindra son flambeau.
Mais le moment venu, quelques gouttes de pluie
Ayant chatouillé son museau,
Il rentre dans son trou pour laisser couler l’eau.
La paresse le suit, lui dit : « Attends encore.
Ta pêche ne s’en ira pas.
Aux premiers rayons de l’aurore.
Demain matin tu la retrouveras. »
Il la croit, il s’étend, il dort la nuit entière ;
Et dès que l’aube a rouvert sa carrière;
Vers l’espalier il accourt à grands pas.
O désespoir ! la pêche était partie.
Un maraudeur l’avait cueillie,
Et de son trou reprenant le chemin,
Triste, honteux, baissant et la queue et l’oreille,
Mon lérot vit trop tard comme le vieux Thébain,
Qu’il ne fallait jamais remettre au lendemain
Ce qu’on pouvait faire la veille.
“Le Lérot et la paresse”