Charles Porphyre Alexandre Desains
Le Lierre et le Papillon
Quoi ! jamais tu ne changeras,
Et toujours tu voltigeras !
Au Papillon disait un jour le Lierre.
Dans ta sympathie éphémère,
De la Rose, en passant, tu fanes la beauté ;
Pauvre fleur, dont la peine amère
Courbe la tige solitaire
Après ton infidélité.
Moi, loin qu’un tel travers me puisse être imputé,
De l’ami de mon cœur jamais rien ne m’arrache;
Quand tu sembles si fier de ta légèreté,
Je veux mourir où je m’attache.
Oui , dit le Papillon, je sais que dès longtemps
Tu fus la fidélité même ;
Je sais aussi qu’à des amants,
Qui n’en furent pas plus constants,
Quelquefois tu servis d’emblème.
Mais lorsqu’à ton ami, pour prouver ton ardeur,
De tes bras éternels tu l’étreins avec force,
Tu vis des sucs de son écorce ;
Et si de cet ormeau, dont tu fais le malheur,
Tu ne prenais le tronc pour soutien et pour guide,
Traînant sous l’herbe vile une branche timide,
Tu végéterais sans honneur.
Cesse donc de vanter ta constance hypocrite ;
Tu n’es, tout comme moi, qu’un être parasite,
Préférant qui te sert, embrassant qui te plaît.
Va, plus souvent qu’on ne le pense,
Nous mesurons notre constance
Au tarif de notre intérêt.
Charles Porphyre Alexandre Desains, (1789- 1862)