
Que je te plains, petite plante !
Disoit un jour le lierre au thym :
toujours ramper, c’ est ton destin ;
ta tige chétive et tremblante
sort à peine de terre, et la mienne dans l’ air,
unie au chêne altier que chérit Jupiter,
s’ élance avec lui dans la nue1.
Il est vrai, dit le thym, ta hauteur2 m’ est connue ;
je ne puis sur ce point disputer avec toi :
mais je me soutiens par moi-même ;
et, sans cet arbre, appui de ta foiblesse extrême,
tu ramperois plus bas que moi.
Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires,
qui nous parlez toujours de grec ou de latin
dans vos discours préliminaires,
retenez ce que dit le thym.
Notes sur la Fable :
1. Cette manière de parler est hyperbolique, c’est-à-dire exagérée. Le lierre monte très-haut, mais non pas jusque dans la nue.
2. Le mot hauteur est ici très spirituellement employé par le Thym. Il signifie à la fois élévation et orgueil ; mais je doute que le Lierre comprenne cela ; les orgueilleux sont généralement fort sots.
Florian, dans ces quatre derniers vers, fait l’application de sa fable aux ” traducteurs, éditeurs et faiseurs de commentaires. ” Nous croyons que cette gentille fable pouvait très bien se passer de cette apostrophe. Les auteurs sont très-heureux de trouver des éditeurs qui consentent à imprimer leurs ouvrages, et les faiseurs de commentaires n’ont d’autre but que de faire mieux apprécier les ouvrages qu’ils commentent. C’est dans cette pensée que nous avons ajouté des notes à cette édition des fables de Florian,dans l’intérêt même de l’auteur et des petits enfants qui le lisent. Quant aux traducteurs, ils ne méritent pas non plus le reproche que leur fait Florian. Sans eux, nous ne connaîtrions pas les beaux ouvrages écrits dans une langue étrangère, — Pfeffel, fabuliste distingué, a traduit cette fable en vers allemands. “Le lierre et le thym”