A la cour du lion, renard fait la police.
C’est, j’en conviens, un fort vilain métier;
Aussi, parce brillant office,
Il avait obtenu la haine du quartier.
Du reste il n’était pas novice :
Avec grand soin il ménageait,
Dans ses rapports, le tigre et la panthère ;
Mais sans nulle crainte il drapait
Robin-Mouton ou la chèvre légère.
L’âne parfois n’était pas oublié,
Encor qu’il l’assurât de sa tendre amitié.
Un jour qu’au lever du monarque
Il contrôlait l’esprit public,
Et qu’il faisait maint fâcheux pronostic
Pour prolonger ses soins : « Depuis peu je remarque,
« Sire, dit-il, et j’en parle à regret,
« Que trompette-major Baudet,
« Se livrant à son bavardage,
« Sans trop épurer son langage,
« Parle de votre majesté.
« Il ne sait pas pourquoi j’admire le courage,
« La grandeur et la dignité
« Qu’en tant d’occasions vous avez fait paraître.
« Son avis est, seigneur, que nous changions de maître ;
« Il est temps de punir de semblables propos. »
— « Quoi ! tu veux que je les condamne ? Répondit le lion ;
« mets-toi l’aine en repos ; »
« Renard, laissons parler les sots…
« Que me font les discours d’un âne? »
“Le Lion et le Renard”