Alors, crinière au vent, sans entrave ni maître,
L’œil en feu, farouche, indompté,
Il errait au désert sous des cieux de salpêtre,
Libre au sein de l’immensité…
Et les monts de granit et les plaines de sable
A ses bonds servaient de tremplin ;
Et, comme le clavier d’un orgue formidable,
Les rauques échos du ravin
De ses rugissements répercutaient l’orage !…
Depuis, sous le fouet du dompteur,
Docile, il assouplit son allure sauvage,
Ses fiers instincts, sa mâle ardeur.
Enfin il s’est fait chien ; il rampe à tout caprice.
Cependant, las de tels affronts,
Un jour il se redresse et son poil se hérisse.
Le joug ne sied point aux lions :
Et bientôt sous ses dents il tord, brise, triture
Et dompteur et verge de fer.
Joie amère !… une cage, oppressive ceinture,
Le sépare encor du désert !…
Parfois aussi le peuple, à bout de patience,
Rugit un cri de délivrance.
Mais, — vainqueur politique, — esclave social, —
Il retombe énervé loin du vaste idéal
Dans sa cage d’abus, de vices, d’ignorance
Sous les chaînes du Capital…
Joseph Déjacque