La raison du plus fort n’est toujours la meilleure,
Et nous allons le montrer tout-à-l’heure :
Un loup mourant de faim , ne pouvant plus marcher.
Sous un arbre se vit forcé de se coucher.
Mais apercevant dans la plaine,
Au bord d’une claire fontaine,
Un gentil et timide agneau ;
De grâce , lui dit-il, d’une voix suppliante .
Daigne m’apporter un peu d’eau ,
Pour étancher ma soif ardente ;
Oui, je le jure, foi de loup,
En temps et lieu , de reconnaître,
Et de payer, comme il doit l’être,
Ce service, que, pour beaucoup,
Plus d’un des liens, que j’aime d’amour tendre,
Serait très-charmé de me rendre,
Bien certain de faire un bon coup.
Ami, lui dit la brebiète,
Très-volontiers je te secourerais,
Et de l’eau je te porterais,
Si je pouvais avoir l’assurance complète
Que, près de toi, sans risque je serais ;
Mais, j’en suis bien plus que certaine,
Ta soif n’est rien, près de ton appétit,
Et ma chair le serait une fort bonne aubaine.
Sur ce, le jeune agneau , salua , puis partit.
Cet agneau, si je ne m’abuse,
Nous prouve ici très-clairement,
Que prudence et bon jugement
Valent mieux que force et que ruse.
“Le Loup et l’Agneau”