Un merle, élevé dans une maison de campagne, avait été instruit par son maître à siffler plusieurs airs, et à varier sa voix d’une manière fort agréable. Les passants étaient charmés de l’entendre ; et plusieurs s’écartaient même de leur route, pour aller écouter sa musique. Dans la même maison habitait aussi un paon de belle taille, et orné de toutes les riches couleurs dont la nature a fait présent à son espèce. Fier de ces qualités, celui-ci avait souvent dédaigné celles du merle, son commensal. Il n’en parlait qu’avec mépris croyant les siennes bien supérieures. Le merle, sachant que les raisons les plus sages ne peuvent guérir les gens de la sotte vanité, attendit, pour répondre à ses orgueilleuses injures, que le temps de la mue des oiseaux vînt appuyer les siennes. Cette époque arriva ; le paon perdit toutes ses plumes, qui faisaient sa beauté et son orgueil. Le merle alors lui demanda : « Eh bien ! Monsieur, que sont devenues toutes ces brillantes qualités dont vous étiez si fier ? » Le paon honteux ne savait que répondre. Le premier reprit : « Votre mérite était bien mince et bien fragile ; le mien est plus solide, car je sais encore chanter. » Et il le quitta en sifflant un de ces airs qui arrêtaient les passants.
“Le Merle et le Paon”