Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort
Le Milan, le Roi et le Chasseur, analyse de Chamfort – 1796.
Le prince à qui cette fable est dédiée, était le prince Louis de Conti, neveu du Grand Condé, et fils de celui qui joua un si grand rôle dans la guerre de la fronde. C’était un des grands protecteurs de La Fontaine , ainsi que le prince de la Roche-sur-Yon son frère , qui eut depuis le nom de prince de Conti. Ce dernier se rendit célèbre, par la valeur et les talents qu’il montra dans les journées de Fleurus et de Nervinde. C’est lui qui fut élu roi de Pologne en 1697 , et qui mourut en 1709 , sans avoir pu prendre possession de cette couronne.
V. 4. Non les douceurs de la vengeance.
Ceci est d’une meilleure morale que les deux vers qui se trouvent dans la fable 12 du livre X.
… Je sais que la vengeance
Est un morceau de roi, car vous vivez en dieux.
J’ai négligé alors d’y mettre un correctif, pour éviter la longueur ; mais voilà La Fontaine qui met ce correctif lui-même. Il vaut mieux l’entendre que moi.
V. 11 . .. En cet âge où nous sommes!
C’est un malheur de notre poésie, que, dès qu’on voit le mot hommes à la fin d’un vers, on puisse être sûr de voir arriver à la fin de l’autre vers, où nous sommes , ou bien toits tant que nous sommes. L’habileté de l’écrivain consiste à sauver celte misère de la langue, par le naturel et l’exactitude de la phrase où ces mots sont employés.
V. 12. L’univers leur sait gré du mal qu’ils ne font pas.
C’est un fort bon vers , quoique l’idée en soit assez commune.
V. 13. Un siècle de séjour ici doit vous suffire.
Ce pronostic fut malheureusement bien démenti, puisque ce jeune prince mourut en 1685 , deux ou trois ans peut-être après cette pièce.
V. 20. Et la princesse, etc. . . .
C’était elle qui, avant d’être mariée, s’appelait mademoiselle de Blois. Elle était fille du roi et de madame la duchesse de la Valière. Elle ne mourut qu’en 1739. Il y eut aussi un autre mademoiselle de Blois , fille de Louis XIV et de madame de Montespan. Cette dernière fut mariée au duc d’Orléans régent, et ne mourut qu’en 1749.
V. 27. Des qualités qui n’ont qu’en vous, etc. . . .
Tous ces éloges directs ne me paraissent ni ingénieux ni dignes de La Fontaine : et ce qui sait se faire estimer joint à ce qui sait se faire aimer, tout cela me paraît d’un ton trivial et bourgeois.
V. 33. Il ne m’appartient pas d’étaler votre joie, Manque un peu trop de délicatesse ; et c’est une transition bien, lourde que celle-ci.
V. 34. Je me tais donc et vais rimer
Ce que fit un oiseau de proie.
Cela me rappelle une transition aussi brusque, mais plus plaisante de Scarron , je crois. La voici: Des aventures de ce jeune prince à l’histoire de ma vieille gouvernante, il n’y a pas loin, car nous y voilà.
Je ne ferai aucune note sur cette fable , qui me paraît au-dessous du médiocre,
et où l’on ne retrouve La Fontaine que dans ces deux jolis vers :
V-71 . . Ils n’avaient appris à connaître
Que les hôtes des bois ; était-ce un si grand mal ?