Philippe Briola
Fabuliste contemporain – Le moucheron et l’araignée
Dans l’encoignure d’un plafond,
Une araignée avait tendu,
Comme les araignées le font,
Son embuscade suspendue.
Vibrionnant, un moucheron
S’y prit et y resta pendu
Et quand la velue aux yeux ronds
S’approcha, il se crut perdu.
« Bonjour ! mon mignon -lui dit-elle-
Je connais ta réputation ;
Des histoir’ tu en sais de belles,
Conte moi celle du lion.
Vois-tu, je m’ennuie au logis,
Toute seule sous mon plafond
Quand on manque de poésie
L’âme s’attriste, on se morfond.
Tes deux ailes t’ont fait nomade
Tandis que je suis sédentaire.
Sois pour moi comme Shérazade
Je veux des contes, du mystère.
Si tu égaies ma vie maussade
Foi d’araignée, je te libère ».
Le moucheron s’exécuta
Il conta et il raconta
Des légendes puis des sagas
Que parfois même il inventa.
Mais bientôt l’ogresse bailla
Fatiguée de tant de merveilles
Et traîtresse le dévora
Ventre affamé n’a plus d’oreilles.
Philippe Briola
Illustration par Arthur Rackham — http://www.gutenberg.org/files/11339/11339-h/images/13gnat.jpg, Domaine public, commons.wikimedia.org/